Suivez la flèche...

Sur un brevet, rien n'est compliqué. Délicatement posé sur sa machine, le Joyeux Cyclo avale avidement les kilomètres. Son style est élégant. Son popotin bleu est dressé vers les nuages. Le Joyeux Cyclo a la classe. Lorsqu'il doute, il dresse son museau comme un jeune castor en quête d'une vilaine mouette à grignoter. Il cherche la flèche et, invariablement, la suit.

La flèche ? Si, si, vous savez ! Cette pancarte que dépose quelques heures avant la randonnée un bénévole. Généralement, le bénévole cherche un endroit adéquat pour accrocher son panneau. Un arbre. Un mur. Un lampadaire. Une vieille dame. Un teckel. Une libellule. Enfin, tout ce qui peut supporter le poids de son panneau. Ainsi, les cyclos seront utilement guidés.

Parfois, il y a des loupés...

Sur la « Jeannot Marie », notre train bleu s'est rapidement mis en marche. Notre loco est une « Steevette ». De temps à autre, on l'alimente avec de grosses pelletées de galettes. Toujours est-il que notre train bleu déchire l'horizon tant il va vite. Et, évidemment, la vitesse nuit à la vision. C'est ainsi que, lorsqu'il faut tourner, nos amis vont tout droit.

Tourmentés comme des poètes maudits, ils font un magnifique demi-tour. Olympien. Même lorsqu'il se trompe le Joyeux Cyclo reste digne. Honteux, mais digne.

Parfois, il y a d'affreux farceurs qui viennent chambouler le travail du bénévole...

Nous arrivons dans un lotissement. Jusque là tout va bien ! Nous précédons le groupe de Colombelles. Nous suivons la flèche. A droite. Une nouvelle fois, à droite. Puis, encore à droite. Et, une dernière fois, à droite. Les experts en fessiers du groupe reconnaissent instantanément les croupes sportives colombelloises . Serait-ce que nous tournons en rond ? Stupéfaction sarcastique chez les Colombellois : « Tiens, Audrieu ? » Les Joyeux Cyclos dissimulent maladroitement leur gène et leur incapacité évidente à suivre un itinéraire simple sans que cela ne tourne au vaudeville. Profil bas, ils appuient sur les pédales et s'évaporent dans la nature à plus de 75 km/h. Oui, oui. Le Joyeux Cyclo est en forme. Honteux, mais en forme.

Dans tous les trains, il y a des hommes d'affaires. Le train bleu ne déroge pas à la règle.

Le train bleu est lancé à vive allure. Les langues se prennent dans les rayons tant l'effort est violent. A l'arrière, un Joyeux Cyclo est au téléphone (un trader ? Un ingénieur France Télécom vérifiant sa connexion 3G ? Un dossier épineux à résoudre ? Le Joyeux Cyclo est un homme consciencieux. Ce doit donc être le travail.) Soudain, un cri déchirant dans le peloton : « Eeeeeeeeeh !!! Les gars ! Elle vous fait un bisou !!! » Ah, oui ! Le Joyeux Cyclo aime s'entretenir au téléphone avec sa femme durant ses longues sorties de vélo. Le cycliste est romantique. Un passionné. Les affaires sentimentales nécessitent une résolution immédiate. En l'occurrence, le choix de la couleur de la nappe coûte au Joyeux Cyclo sa place dans le groupe et lui vaut le courroux de ses camarades. Le Joyeux Cyclo s'en moque. Il est amoureux.